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L’économie circulaire, un levier de sobriété, d’innovation et de développement raisonné

Par M Capital

Interview

Entre simple recyclage des déchets et nouveau modèle économique, l’économie circulaire a du mal à se faire comprendre. Or, alors que nous sommes en pleine crise des matières premières et de l’énergie, c’est le moment pour elle de bénéficier d’une prise de conscience collective que dans un monde aux ressources limitées, il nous faut d’urgence mettre en place un moyen durable de continuer nos activités humaines. Nous avons interrogé Yannick Gomez, expert et passionné d’économie circulaire pour éclairer le potentiel et les enjeux de ce qui pourrait bien devenir notre nouveau paradigme économique.

Yannick Gomez est fondateur et co-responsable du master management de la transition écologique et de l’économie circulaire à l’Université de Montpellier et ingénieur Cellule Valorisation Innovation du CEA (Laboratoire ISEC) spécialisé dans l’économie circulaire des énergies bas carbone.

Comment définiriez-vous l’économie circulaire ?

L’économie circulaire est l’opposé de l’économie linéaire qui repose sur le triptyque Extraire-Produire-Jeter. La base de ce triptyque est un système dont la logique est qu’il n’y a pas de limites. C’est précisément parce que se pose la question des limites que se pose aussi celle de l’économie circulaire. Sinon, nous pourrions continuer à nous engouffrer dans une croissance illimitée.

Or, qu’on le veuille ou non, il n’est pas possible de faire abstraction des limites planétaires : elles sont bien réelles, définies scientifiquement par une équipe internationale de chercheurs et posées comme étant au nombre de 9 :

  1. Changement climatique ;
  2. Érosion de la biodiversité ;
  3. Modifications des usages des sols ;
  4. Utilisation d’eau douce ;
  5. Perturbation des cycles biochimiques de l’azote et du phosphore ;
  6. Acidification des océans ;
  7. Aérosols atmosphériques;
  8. Diminution de la couche d’ozone ;
  9. Pollution chimique.

L’économie circulaire peut ainsi être définie comme ‘une approche économique globale, qui tient compte de la finitude des ressources et qui ré-interroge l’ensemble des besoins humains pour les concilier avec les limites planétaires’.

Pourquoi est-ce un nouveau paradigme ?

C’est une économie basée sur davantage de coopération, contrairement à l’économie linéaire qui repose sur la compétition. Elle est ancrée dans les territoires, alors que l’économie linéaire est issue d’une pensée hors-sol au sens de la mondialisation.  Elle permet d’utiliser des mesures différentes avec la triple valeur économique, sociale et environnementale alors que l’économie linéaire ne mesure que la valeur économique. Cela fait de l’économie circulaire une approche beaucoup plus performante et dans l’air du temps. Elle est un nouveau paradigme en devenir car elle ré-interroge la théorie économique de base qui avait tendance à considérer l’environnement comme une externalité. Or dans un monde aux ressources limitées, la prise en compte de l’environnement dans le cycle de production devient aussi importante que le facteur capital et le facteur travail.

Pourquoi est-ce un levier de sobriété voire une nouvelle forme d’économie positive et raisonnée?

La raison d’être de l’économie circulaire qui est de concilier le développement humain et économique avec les limites planétaires est en elle-même une proposition de sobriété. Mais la sobriété n’est pas synonyme de retour à la lampe à huile !

La sobriété consiste avant tout en du bon sens et la volonté de lutter contre le gaspillage. Elle écarte la création de besoins inutiles ou la réponse à des besoins utiles par une gabegie de ressources.

Au fil du temps, les concepts de PIB (Produit Intérieur Brut) et de croissance du PIB sont littéralement devenus des « totems » qu’il était impossible de critiquer. Or, on pourrait dire qu’il y a le bon et le mauvais PIB ! Une marée noire peut augmenter le PIB en engendrant la création d’une activité de nettoyage et de dépollution, mais s’agit-il vraiment d’une création de richesse ?

Est-il donc illégitime de se poser la question de la part du PIB qui repose sur un gaspillage des ressources environnementales ou des compétences humaines ? Comme le dit très bien l’économiste anglaise Kate Raworth, qui a proposé le très intéressant concept de la théorie du Donut, un des enjeux actuels est avant tout de développer de nouveaux indicateurs, en particulier au niveau des territoires.

Dans le master MTEEC que j’ai l’honneur de codiriger avec le Professeur Gérald NARO, nous avons mobilisé nos 50 étudiants de Master 1 et 2 durant 3 jours dans un séminaire consacré à la mise en œuvre de la théorie du Donut sur le cas de la France. Nous avons mis en œuvre 10 groupes de travail sur les grands thèmes de l’économie française (énergie, transport, industrie, agriculture…). Sur la base de travaux déjà réalisés comme par exemple le Plan de Transformation de l’Economie Française du SHIFT Projet ou la Convention Citoyenne pour le Climat, les étudiants ont pu approfondir les sujets, les problématiques et proposer leurs propres idées.

Il en ressort un travail enthousiasmant et porteur d’espoirs : oui des solutions sont possibles pour arriver à créer un monde plus sobre et créateur d’emplois porteur de sens, pour peu que l’on accepte d’approfondir les sujets et de dépasser les totems !

Du coup, l’économie circulaire est-elle une « boîte à outil » d’une sobriété intelligente ?

Tout à fait. Comme le montre le graphique ci-dessous, l’objectif est d’atteindre un espace sûr et juste pour l’humanitaire en étant au dessus du plancher social et en dessous du plafond environnemental.

Et le moyen pour y parvenir ? c’est l’économie circulaire !

Le modèle de l’économie linéaire repose sur le tryptique « extraire / produire /jeter ».

En gros, chacun des 8 milliards d’humains utilise en moyenne chaque année 11,5 tonnes de matières premières (biomasse, métaux, argile, sable…), consomme environ 2 tonnes équivalent pétrole, en ressource énergétique et rejette 6,5 tonnes de CO2.

Nous devons optimiser tout cela ! par exemple, pour respecter l’accord de Paris et maintenir l’élévation des températures en dessous de 2 degrés, il faudrait que chaque humain ne rejette pas plus de 2 tonnes de C02 par an (au lieu de 6,5 actuellement).

L’économie circulaire est une boîte à outil systémique pour répondre au besoin mais en réduisant le gaspillage, c’est-à-dire en optimisant l’utilisation de matières premières et d’énergie et en réduisant le volume de déchets.

Cette « boîte à outil » se compose de 4 piliers d’usages et de 3 piliers technologiques :

Les 4 piliers liés aux usages consistent à renforcer la coopération entre les personnes et les acteurs socio-économiques, y compris entre acteurs territoriaux :

  1. Développer la consommation collaborative, c’est à dire par exemple imaginer pouvoir faire des échanges, mutualiser des biens et des compétences sur un territoire.
  2. Mettre en place l’écologie industrielle et territoriale, c’est à dire mettre des entreprises en symbiose dans un territoire, par exemple en redistribuant la chaleur fatale émise par l’une pour chauffer l’outil de production d’une autre, ou réutiliser les déchets des unes comme ressources par d’autres.  
  3. Accroître l’économie de la fonctionnalité qui propose de vendre le service plutôt que le bien, comme le font les fabricants de photocopieurs par exemple qui les louent et vendent le nombre de photocopies, récupèrent les pièces en fin de vie, adaptent la taille des photocopieurs à l’usage et aux besoins des clients au lieu de vendre le plus de photocopieurs possible.
  4. Allonger la durée d’usage, favoriser le réemploi et faire disparaître l’obsolescence programmée sans dégrader l’usage, comme par exemple le fair-phone conçu pour que l’on puisse changer les pièces détachées pendant au moins 5 ans…

Les 3 piliers technologiques consistent à :

  1. Favoriser l’approvisionnement responsable, par exemple en rendant plus durable les procédés d’extraction dans les mines,  par un calcul et une analyse des cycles de vie pour réduire l’empreinte des matières premières utilisées sur l’environnement
  2. Systématiser l’éco-conception, en ayant une réflexion sur les fonctions que doivent rendre un bien ou un service, et en enlevant les fonctions superflues, ce qui demande de réfléchir au juste besoin et à adapter les fonctions au regard du besoin sans ajouter quoique ce soit de plus.
  3. Encourager le recyclage, c’est à dire chercher à ne pas jeter et à réutiliser au maximum. Il existe le recyclage en boucle longue qui permet de revenir en fin de boucle à la matière première fer, manganèse, cuivre…, ou en boucle courte qui permet de revenir à des oxydes que l’on peut réemployer dans d’autres usages.

Les entreprises préfèrent les piliers technologiques et boudent souvent les piliers de l’usage. Ils continuent ainsi à sortir trop régulièrement de nouveaux produits… Il est pourtant important de déployer l’ensemble des 7 piliers qui sont d’ailleurs complémentaires les uns avec les autres.

Quels sont les enjeux d’un basculement vers l’économie circulaire ?

Les entreprises doivent comprendre que plus elles déploieront les 7 piliers de l’économie circulaire plus elles seront résilientes, car plus elles diminueront leur consommation d’énergie et de matières premières.

S’engager maintenant, c’est préparer leur avenir et l’avenir des générations futures, c’est devenir plus fortes, c’est se préparer et s’adapter à des réglementations futures, à des augmentations de tarifs…

Celles qui se sont engagées sont aujourd’hui considérées comme moins à risque, plus solides parce qu’elles sont moins dépendantes des énergies fossiles notamment.  

La sobriété ne peut-être acceptée que si elle est comprise.

Pour que le message soit compris, on a besoin de tous les acteurs, les media, les scientifiques, les artistes… Ensemble, il s’agit de créer un futur désirable, une transition non pas subie mais choisie et positive. Cela demande plus de réflexion et plus d’intelligence, car quand on parle de sobriété, c’est aussi parce que les contraintes physiques nous obligent à y entrer. Soit on l’accepte, et on l’organise de manière concertée et intelligente, soit de toute façon on y sera contraint car la nature nous y amènera de force. La science ne nous sauvera pas à elle toute seule. Il faut réfléchir massivement à une sobriété choisie, dans un espace démocratique et territorial.

En bref, un basculement est indispensable car un monde à +3° n’est même pas assurable. Si on ne corrige pas le réchauffement climatique, le coût de l’inaction sera bien plus élevé que celui de l’action. Le statu quo n’est pas possible.

Sur le plan logique et économique, l’économie circulaire est beaucoup plus rentable et peut assurer la survie, et ce, beaucoup mieux que l’économie linéaire. Il n’y a aucune pertinence à continuer à vivre avec un système de croissance infini dans un monde fini.  

Pourquoi et en quoi l’économie circulaire est-elle un levier d’innovation ?

Parce qu’elle permet de réinventer, de ré-interroger l’existant !

Un énorme potentiel d’innovation existe pour les ingénieurs et les scientifiques dans le domaine de la science de la durabilité. Cette approche se fonde en particulier sur la co-construction des connaissances et des savoirs, à partir de la collaboration entre scientifiques de différentes disciplines et acteurs non académiques.

Les disciplines managériales sont aussi à réinventer.

Il faudra former des contrôleurs de gestion capables de compter non seulement des euros mais aussi des kilos de CO2 ou des tonnes de matières premières ! Le marketing doit changer, les équipes doivent se former à autre chose que le toujours plus, ils doivent maintenant être capables de réfléchir à valoriser les entreprises à mission par exemple, à designer des produits dont on ne peut plus imaginer qu’ils ne soient pas conçus jusqu’à leur boucle de recyclage. Les ressources humaines doivent déjà manager les milleniums en donnant du sens à leur travail, dans un monde aux ressources limitées où ces générations souffrent de plus en plus d’éco-anxiété et d’éco-colère.

Enfin, la finance doit maintenant prendre en compte les facteurs écologiques, car la rentabilité future des entreprises dépend de plus en plus de leur exposition au prix de la rareté, que ce soit des ressources, de l’énergie, voire de la difficulté à recruter dans certains métiers.

Développer massivement l’économie circulaire, c’est donc la perspective de réinventer des millions d’emplois dans les 20 prochaines années !

Quelques solutionneurs de l’économie circulaire choisis par M Capital

iUMTEK est un concepteur & fabricant d’instruments de diagnostic d’éléments chimiques et d’aide à la décision en temps réel in situ, au cœur de l’optimisation des procédés industriels engagés dans la transition écologique, l’efficacité énergétique et l’économie circulaire.

En savoir plus :  https://www.mcapital.fr/labo-m/iumtek/

DIATOMÉES accompagne les organisations et les territoires dans leur démarche d’innovation environnementale et sociétale.
L’agence entend œuvrer en faveur d’une écologie collective et solidaire, en préservant l’environnement et le vivant.

En savoir plus : https://www.mcapital.fr/labo-m/diatomees/

CYCLE UP massification du réemploi des matériaux qui représente l’opération la plus vertueuse pour optimiser et allonger le cycle de vie d’un élément. Le réemploi consiste à préconiser et trouver une ou des nouvelles vies à un produit afin de le réemployer en l’état, sans transformation et pour un usage identique à son utilisation initiale.

En savoir plus : https://www.cycle-up.fr/home

BATCONNECT : Pour optimiser le SAV des batteries de vos véhicules.

Batconnect est une solution innovante de stockage d’énergie et de supervision des véhicules électriques légers (golfettes, chariots élévateurs, nacelles, transpalettes, etc.).
Elle se positionne comme la véritable alternative aux batteries au plomb.
Sa batterie lithium connectée, associée à une application Web de suivi et de gestion, en fait le premier système de stockage économique et durable.

En savoir plus : https://batconnect.fr/

INSTITUT NATIONAL DE L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE

Organisme de référence et d’influence autour de l’intelligence écologique et de l’économie de la ressource. L’institut est composé d’entreprises, collectivités associations et universités.

En savoir plus : https://institut-economie-circulaire.fr/

Master Management de la Transition Écologique et de l’Économie Circulaire (MTEEC)

Formation dispensée à Montpellier Management. Issu de la volonté de deux professeurs engagés pour un avenir durable, le Master MTEEC se veut disruptif. Recrutant des étudiants de tous horizons, triés sur le volet, le Master MTEEC désire mettre en avant l’excellence de sa formation. Adaptée pour les enjeux de demain, la formation a pour objectif de créer des managers résilients. Diplômés, nos étudiants ont pour vocation de travailler dans le management responsable, l’accompagnement à l’application de politiques RSE, à l’entrepreneuriat responsable voire à la Finance verte. Rejoindre le Master, MTEEC, c’est aussi prendre part à un réseau fort d’entreprises associant performance économique et transition écologique.

En savoir plus : https://master-mteec.fr/

CEA – ISEC – Institut des sciences et technologies pour une économie circulaire des énergies bas carbone

Implanté sur le centre CEA-Marcoule, l’Institut des sciences et technologies pour une économie circulaire des énergies bas carbone (ISEC) a vu le jour en 2020. Depuis 60 ans, le CEA a fait progresser la circularité de l’industrie nucléaire et transfère à présent son expertise d’économie circulaire sur l’ensemble des enjeux associés aux énergies bas carbone (éolien, solaire, hydraulique, hydrogène…) au travers des missions de l’ISEC.

En savoir plus : https://isec.cea.fr/